Faut-il arrêter de sortir avec des hommes cis ?
LVEQ Féminisme 18 juin 2021
Les relations et le couple hétérosexuel sont le lieu de reproduction d’inégalités patriarcales : aujourd’hui encore, les tâches ménagères et l’éducation des enfants reviennent beaucoup plus aux femmes. C’est aussi le lieu de reproduction d’oppression et de violences, puisque les hommes cis sont encore de façon disproportionnée ceux qui causent le plus de violences conjugales, sexuelles…
Partant de là, certaines féministes se sont dit qu’il faudrait arrêter de sortir avec des hommes (cis) pour s’extraire (en partie) du patriarcat (voire même arrêter de fréquenter des hommes tout court sur le plan amical également). On parle même parfois de « lesbianisme politique ».
Alors fausse bonne idée ou vraie mauvaise idée ? 🙃
Si d’un point de vue individuel chacan fait ce qu’iel veut et il est tout à fait légitime de chercher à se protéger soi-même selon ses propres termes, la généralisation de cette idée comme un outil de libération ne marche pas sur de nombreux plans. Sans être exhaustif sur la question, un obstacle majeur est le fait que cette idée tombe comme un château de cartes dès lors qu’on introduit les intersections avec d’autres oppressions ! Considérant que le sexisme n’est pas la seule oppression existant (n’en déplaise aux TERFs – trans exclusionary radical feminists-) :
1° Les femmes peuvent opprimer les hommes dans les relations interpersonnelles, y compris au sein du couple.
Par exemple sur l’axe du racisme : une femme blanche peut opprimer son conjoint racisé. Les femmes blanches qui cherchent des hommes noirs par fétichisme ne manquent pas.
Egalement les femmes valides/neurotypiques peuvent opprimer leur conjoint handicapé/neuroatypique (ajoutons que bien souvent les personnes neuroatypiques ont une relation particulière à la notion de genre et sortent des normes établies, ce qui ajoute de nouveau une couche de complexité, sachant qu’un homme autiste par exemple n’aura pas du tout le même pouvoir au sein du patriarcat qu’un homme valide).
2° Les femmes peuvent s’opprimer entre elles.
Une femme cis peut opprimer sa compagne trans.
Une femme dyadique peut opprimer sa compagne intersexe.
Une femme lesbienne peut opprimer sa compagne bi/ace/aro/…
Une femme blanche peut opprimer sa compagne racisée.
Une femme valide/NT peut opprimer sa compagne handi/NA..
.Une femme peut même en opprimer une autre sur l’axe du sexisme d’ailleurs, vu qu’on est toustes formatés à être sexiste. Ca arrive couramment. Et là je ne parle pas que du couple, mais aussi des amitiés, etc.
J’ajoute qu’en tant que personne non-binaire, j’ai parfois été plus en sécurité avec des hommes cis que des femmes cis, qui pour certaines peuvent avoir tendance à avoir une réaction primaire instinctive « terfique » (même si elles ne le sont pas fondamentalement, c’est dans les peurs irrationnelles instinctives que vont justement taper les TERFs pour recruter). Il y a des hommes m’ont bien genré à la seconde de mon CO et ne m’ont jamais mégenré. Et en face, il y a des femmes qui ont eu des réactions de méfiance, comme si j’étais un traitre, etc. (idéologie TERF justement).
Bref, selon les situations, une femme ou une personne trans n’est pas toujours plus en sécurité avec une femme comparé à un homme. Ca ne marcherait que dans un contexte parfaitement cis blanc binaire où le handicap n’existe pas en somme.
Conclusion : on ne peut pas binariser « les femmes vs les hommes » de façon aussi simpliste à mon sens.
https://lavieenqueer.wordpress.com/2021/06/18/faut-il-arreter-de-sortir-avec-des-hommes-cis/