Gap. Centre ville. Nuit du 1 au 2 juin 2021. Des individus fracturent une porte à l’arrière d’une salle de spectacle transformée en centre de vaccination. La porte cède facilement, des individus se retrouvent dans un long couloir. Longé par la gauche, il mène à d’autres pièces. Une porte sur la droite n’est pas verrouillée, elle s’ouvre sur une grande salle, où ont vraisemblablement lieu les vaccinations. A la hâte, des tas sont faits avec le mobilier présent sur place. Les flacons de gel hydroalcoolique s’ajoutent à l’essence. Un coup de briquet, le tout s’embrase, et les silhouettes disparaissent dans la nuit. Le tout n’aura duré que quelques minutes, suffisement pour détruire une bonne partie du bâtiment.
Il s’agit d’un acte finalement assez symbolique, puisque qu’un autre centre a ouvert dans la journée, et que de ce que l’on sait de la presse, l’attaque du même accabit à Nyons, quelques semaines plus tôt n’a entrainé qu’un léger retard à l’ouverture, vite résorbé. Voilà qui montre bien la nécessité de chercher le coeur du monstre plutôt que de s’attaquer à toutes ces tentacules, mais passons.
Ayant bien en tête que cet acte serait avant tout symbolique, nous voulions aussi qu’il suscite du débat. On s’étonne, dès lors, du silence des blogs et revues anarchistes au sujet de cette nuit et de la précédente, (ainsi que des plus récentes, puisque depuis l’annonce du gouvernement sur l’élargissement du pass sanitaire, les actes de destructions des centres de vaccinations se multiplient, et qu’ils ne sont pas tous accompagnés de signes laissant à penser qu’ils émanent de cercles réacs, ou d’extrême droite).
Serait-ce inconcevable que des anarchistes aient pu s’en prendre à des centre de vaccination anti covid ? Serait-ce pour ne pas prendre le risque de se retrouver amalgamé.es aux critiques pas toujours très fines, voire franchement problématiques, qui ont gagnées en force avec l’arrivée de la pandémie ? Serait-ce que personne n’aie eu vent de ces attaques, ou que la cible semblait peu opportune ? Pourtant, à l’heure du pass sanitaire, et au moment où la part d’abord récalcitrante de la population fini par changer son fusil d’épaule (pour la présenter à l’infirmier.ère...), devant la pression du gouvernement et parce qu’il va s’avérer impossible de concerver une vie "normale" sans, s’attaquer au bon déroulement de la campagne de vaccination parait des plus pertinent pour qui refuse d’accepter la marche de ce monde. Dommage que ces actes n’aient pas eu ensuite l’échos qu’ils méritent. Alors voilà un texte qui espère rattraper ce silence, clarifier quelques points, et faire de la place au débat.
Si je suis enthousiaste à l’idée que des centres de vaccination fasse l’objet d’attaques, ce n’est pas parce que je pense que la CIA en profite pour pucer la population, ou que le virus du Covid n’existe pas. Ni parce que je pense que l’humanité devrait disparaitre, et que le virus est une juste attaque de la planète contre ses parasites, même si l’histoire prête à sourire. C’est parce que, comprennant le Covid comme une conséquence "logique" de notre organisation sociale entassée et mondialisée, je veux lutter contre cette capacité du monde techno-industriel à tout sacrifier pour continuer à exister. Aussi parce que je voudrais que l’"On" accepte d’être malades, et même mortel.les, même s’il va de soit que je déplore bien des mort.es du Covid ; comme je déplore les mort.es sacrifié.es sur l’autel du progrès techno-scientifique, animaux humains ou non qui servent de cobayes, guerre pour les matières premières que dévore cette méga-machine et sans lesquelles, point de recherche scientifique, point de vaccin.
Il ne m’interesse pas de faire partie de ce cheptel humain que l’on force à être sain quoi qu’il en coûte, pour qu’il puisse produire et consommer. Il m’interesse plutôt que l’on retrouve des formes de soin qui ne consistent pas à détruire tout ce qu’il y a autour.
Le choix de la cible est certe, peu consensuel. S’en prendre au corps médical qui s’active sur des questions dites vitales n’est pas annodin, ni une décision à prendre à la légère. Mais allons-nous nous laisser prendre dans ce piège qui renverse les responsabilités, selon lequel se sont nos attaques qui nuisent au bien être social ? Faut-il encore répéter que c’est avant tout ce monde techno-industriel qui mutile, empoisonne et veut ensuite nous administrer de force ses médicaments ? L’attaquer à la racine est toujours aussi nécessaire, et si le niveau de dépendance à ce monde est tel que nos actes puissent mettre des vies en danger (ou sembler pouvoir le faire) alors c’est que l’heure est grave, et que nous avons à prendre des décisions difficiles. Nous ne pouvons pas attendre que tous aient trouvé des moyens de leur autonomie pour s’en prendre à ce qui justement, rend toujours plus lointaine cette autonomie.
Au risque de jouer les oracles, je dirais que cette dépendance ne peut aller qu’en s’accentuant. Alors que ferons-nous, pauvres âmes en révolte, quand le chantage sera tel que nous ne pourrons plus lever le petit doigt sans risquer de mettre en péril des vies humaines ? Des voix, pas toujours si éloignées, s’élèvent déjà pour parler des dangers liés aux attaques d’antennes relais. Des enquêtes judiciaires sont ouvertes suite à des décès pendant les quelques heures où Orange n’a pas été capable de fournir du résaux aux numéros d’urgence. Le moment semble proche où s’attaquer aux télécommunications sera vu comme une mise en danger de la vie d’autrui, au même titre que suspendre une personne au dessus d’un pont.
Je m’écarte de mon sujet, mais cherche par là à devancer les critiques qui ne manqueront pas de jaillir à la publication de ce communiqué. Aussi parce que j’espère inviter à la réflexion autour de nos marches de manoeuvre, combien elles se réduisent, et combien nous les réduisons nous même face à des choix toujours plus lourds de conséquences. Ne laissons pas se perdre la radicalité (au sens premier du mot, à la racine) de nos discours et de nos actes, au prétexte que ce monde que nous voulons détruire deviendrait vital pour une grande partie de la population occidentale.
Nous sommes responsables de nos actes, mais pas coupables de leurs conséquences.
Vouloir mettre à mal le monde techno-industriel signifie aussi, cyniquement, accepter de mettre en jeu les vies (les notres incluses) qui en dépendent. J’ai bien peur qu’il n’y aie pas de "méthode douce" pour sortir de cet enfer. Le constat peut sembler sans appel, mais il est encore temps aussi, et dans un même temps, d’améliorer nos résaux, nos méthodes, nos compétences, des formes d’entraide et de soin, pour qu’attaquer un système social ne puisse pas signifier attaquer aussi tous les individus maintenu.es de force à l’interieur.
Que les mort.es du covid ne nous aveugles pas quant à l’horreur du reste.
Que le chantage de l’état ne fasse pas faiblir notre détermination, et que de l’ampleur de la tache ne naisse pas de résignation, mais bien une envie irrépréssible d’agir.
Plus que jamais, à celle et ceux qui attaquent ET qui ne veulent pas recréer un monde aussi pourri que le précédent, fusse t-il moins technologique. Aux autres, qu’illes sachent que je n’ai pas de combat commun avec des patriotes ou des réactionnaires, même si nous avons visiblement parfois les même cibles.
Un salut à Boris, et aux autres maintenu.es dans des geôles pour leur amour de la liberté.